L’île de Santorin : du rêve à la réalité.

Je connaissais ces maisons blanches au toit bleu sans en pouvoir nommer le lieu ni le nom. J’en avais vu des photos, entendu parler à la télévision, sans savoir qu’un jour, mon cœur se décrocherait de sa cage thoracique en les voyant de mes yeux pour la première fois.

C’était en Grèce, au sein de ces dizaines d’îles perdues quelque part dans la mer Egé. Et ce n’était pas des maisons, mais des chapelles ou des églises.

Sur la carte du monde, tout est fracturé et dispersé comme si quelqu’un là-haut avait piqué une colère. Mais rien, sur Terre n’en a détruit l’harmonie : ce blanc sur les murs et le sol, ces couleurs pastel sur chaque façade des maisons, des rues étroites où l’ombre vient se projeter la plupart du temps… D’île en île, le décor est parfois changeant mais toujours idyllique et certains aspects ne disparaissent pas. Pas ce sourire sur les lèvres de tous les locaux que l’on croise, pas cette chaleur étouffante qui oblige parfois à s’arrêter quelques minutes, ni ces mètres de bougainvilliers qui s’étirent contre les façades des maisons.

Santorin, j’en ai entendu parler réellement seulement quelques mois avant de la découvrir. Semblable au fait de tomber amoureux de quelqu’un avant même de connaitre son nom, un vrai coup de foudre. Pourtant, je connaissais par cœur cet endroit, je l’ai tellement vu en photo que j’avais l’impression qu’il faisait déjà parti de mes souvenirs. J’étais sûre que parcourir cette île ferait parti de mes meilleurs souvenirs.  Tout comme le sentiment que notre rêve de la nuit est réel au matin, une persuasion qui venait d’on ne sait où.

 

Lorsque nous sommes arrivés en Grèce, j’étais pressée de découvrir la quatrième île, la cerise sur le gâteau. Nous sommes arrivés en bateau et avons couru pour monter dans un des bus bondés qui nous permettait de nous rendre à la ville.

En le regardant repartir au loin, notre ferry semblait minuscule à côté des nombreux bateaux de croisière venus faire une escale sur l’île.

Nous sommes à la fin du mois de Juin. Lorsque les gens crient et se bousculent pour gagner une place de plus dans le car prêt à exploser, nous regrettons soudain nos matinées sur les plages désertes de Syros.

Nous arrivons à notre hôtel à Fira où la responsable nous donne les clés d’une chambre à quelques mètres de la piscine. Moi, l’amoureuse de l’eau, j’en suis enchantée : ce voyage ne pouvait mieux commencer.

Nous prenons l’après midi pour visiter la ville de Fira. En avalant rapidement un pita (sorte de kebab) à deux euros, nous programmons nos quelques jours sur l’île. Et puis nous nous perdons dans les rues animées du centre de Fira : de nombreux magasins de souvenirs, restaurants et boites de nuits. Un commerçant nous interpelle alors que nous restons une minute émerveillés devant la vitrine de son magasin face à un globe terrestre grand comme un enfant de 5 ans. Dans un mélange d’anglais et de français, il discute un moment avec nous du travail de réalisation de cette œuvre, de la vie aussi. J’adore la légèreté et la chaleur qui se dégage de lui.

Nous rentrons pour nous doucher, et puis on repart encore, comme si l’on avait compris que la ville prenait encore plus de charme après une certaine heure du soir. J’aimais cette possibilité de sortir dans une robe légère et pas maquillée, une liberté qui vient naturellement lorsqu’on se laisse prendre par l’esprit des îles grecques. Les plats sont délicieux dans les restaurants que nous fréquentons. Ce sont nos derniers jours en Grèce et nous savons déjà que nous allons regretter leur cuisine.

On nous a parlé de Red Beach plusieurs fois en arrivant: la patronne de l’hôtel, des touristes dans le bus…

Nous décidons de découvrir cet endroit le lendemain matin. Red Beach c’est une plage au sable rouge qui s’étend sur plusieurs mètres. Il faut marcher un moment sur un chemin difficile et parfois dangereux pour parvenir à la plage. Sur la route, un musicien joue un morceau, un fond sonore plutôt agréable devant le paysage qui s’étend sous nos yeux. Malheureusement, la plage est remplie d’algues noires ce qui gâche un peu le spectacle. Nous restons assis quelques instants sur un coin d’ombre que l’on partage avec d’autres personnes. Tous serrés les uns près des autres.

J’ai envie de sauter dans les vagues devant moi, un peu à cause de la chaleur et beaucoup parce que j’adore ça, mais les algues forment un tel tas sous mes pieds et de tels paquets dans l’eau, que je ne suis pas sûre de vouloir. Allez, on veut pouvoir se dire « Je me suis baignée à la fameuse Red Beach », alors on saute une bonne fois pour toute dans l’eau, les algues viennent se coller un peu partout sur notre peau. On ressort tout aussi vite en courant sur le tapis naturel qui fond sous nos pieds. Et puis nous quittons vite cette plage, pas la plus jolie ni la plus tranquille.

Sur la route du retour, on croise un restaurant de poissons qui nous donne envie. Deux semaines en Grèce et pas un poisson frais dégusté, un regard complice, et on s’installe en terrasse. Le clapotis des vagues juste sous nos yeux nous berce tout au long du repas.

Et puis on part à Oia, en montant dans le bus, on voit des asiatiques qui montrent une photo prise sur Internet au conducteur pour désigner ce qu’elles veulent voir et si c’est bien le bus qui les y conduiront. Nous sommes amusés, quelle bonne idée finalement pour se retrouver là où l’on veut.

Il y  a une ballade au bord de mer qui part de Fira pour Oia et prend 1h30/2h à pied, en fin de journée elle peut être agréable mais la journée, la chaleur vous empêchera surement d’aller au bout.

Nous arrivons donc dans cette ville par le moyen le plus simple. En arrivant, je me demande si les habitants réalisent la proportion de gens dans le monde qui connaissent et admirent leur ville. Je me demande même s’ils restent encore de vrais habitants ici. En me promenant, je découvre surtout des hôtels dont les bords des piscines se terminent quelque part dans les airs et des restaurants dont je ne peux me payer ne serait ce qu’une entrée.

Mais quelques pas suffisent à être époustouflé. J’ai l’impression d’être dans un rêve. Tout en parcourant la ville et ses paysages qui me sont déjà familiers, mon sourire ne quitte pas mes lèvres. J’immortalise cet endroit pour le garder le plus longtemps possible en mémoire.

Et puis, nous nous installons pour voir le coucher de soleil. Les nombreux touristes ne forment plus qu’une énorme file indienne tout au long des rues alors que le soleil ne se couche que dans une heure. Nous discutons et regardons avec envie le couple derrière nous qui a eu l’idée d’emporter quelques bières. Par moments, nous laissons passer les ânes guidés par un vieil homme, qui encore à cette heure-ci doivent monter les cent vingt marches qui relient le vieux port à la ville, depuis le matin et toute la journée en pleine chaleur. Les touristes sur leur dos rient, se filment, crient parfois quand l’un d’entre eux va un peu trop vite. J’ai le cœur brisé de les voir souffrir à ce point et nous nous promettons de ne jamais faire marcher ce folklore local. Le lendemain d’ailleurs, après notre journée et dans une chaleur acceptable, nous montons à pied ces marches, et nous souffrons à notre tour, obstinés.

Viens le moment où la lumière change et le regard de centaines de personnes pointent soudain tous au même endroit. Un bras m’enlace et dans un calme absolu comme pour ne pas gâcher le spectacle, nous admirons le soleil qui descend peu à peu sur l’horizon. La lumière qui se projette sur les façades passe de l’orangée au rose, elle se fond parfaitement au blanc des maisons, comme une toile vierge que la nature viendrait agrémenter à ses goûts. Le spectacle est rapide, la queue pour rentrer en bus à Fira un peu moins, mais c’est le cœur rempli que nous attendons notre tour, enchantés par ce moment magique.

Le lendemain, même si nous évitons d’habitude les excursions touristiques, nous partons pour 28 euros découvrir les alentours en bateau. Nous arrivons d’abord sur une île un peu plus loin, le lieu du volcan. Nous marchons sur ce paysage caillouteux et très brut, qui contraste avec les panoramas connus que l’on aperçoit derrière nous. Un guide nous explique que Santorin n’a pas toujours été si idyllique. Dans son histoire, l’île a connu des désastres suite à d’importantes éruptions volcaniques où des rochers ont percuté et détruit des villages à plusieurs reprises. C’est les larmes de souffrance et l’appréhension de nouvelles éruptions qui ont conduit les habitants à construire peu à peu ces villages atypiques aujourd’hui si fréquentés.

Après un plongeon dans les sources d’eaux chaudes derrière le volcan, nous continuons par découvrir l’île voisine et minuscule de Thirassia où nous nous arrêtons pour manger. Des gens travaillent ici: trois ou quatre restaurants s’activent pour nous. Nous montons les marches qui conduisent au village au dessus, la vue est splendide mais il semble que personne ne vive plus ici. Il y a trois ou quatre maisons dont on se demande où elles se nourrissent et comment elles se soignent. L’ambiance est très calme et nous ne croisons presque personne. Il semble que la montée ait refroidi quelques uns des touristes. Seuls les chats nous observent découvrir ce village fantôme. Nous redescendons et après un plongeon rapide dans une eau transparente, nous reprenons le bateau et finissons à nouveau notre journée à Oia.

Nous avons cette impression qu’elle ne nous a pas livré tous ces trésors hier, avec moins de monde présent et en cherchant les recoins inexplorés, nous nous sentons repus et rentrons à Fira.

Bien sûr, nous découvrons aussi la piscine de l’hôtel quand la chaleur à midi est insoutenable pour visiter quoique ce soit. Et puis nous arpentons les plages, comme celle de Parissa dont le sable noir nous réchauffe les pieds. Ici, les transats sont gratuits si l’on boit un verre ou mange au restaurant de plage. Le sable est trop chaud pour s’y allonger directement. Nous nous sentons un peu plus loin du tourisme de masse et nos découvertes sont agréables, même si nous ne pouvons assurer que ce sont les plus belles plages que l’on ait vu durant notre séjour en Grèce.

C’est ce contraste qui m’a saisi à Santorin, entre certains endroits qui semblent toujours authentiques et ceux corrompus par l’industrie du tourisme.

D’un côté, une excursion exceptionnelle en bateau avec un guide impliqué et passionné par son île pour un prix plus que correct, la gentillesse de la plupart des personnes rencontrées, notamment celles qui semblent sorties d’un profond sommeil et n’ont rien changé à leur façon de vivre malgré les milliers de personnes qui  défilent chaque jour devant eux. Je pense notamment à une épicerie de Fira, où trois vieils hommes discutent tranquillement face à une petite TV à antenne en buvant un coup.

Et puis il y a ceux qui profitent de tous ces gens qui se pressent pour en prendre plein la vue, qui gagnent leur pain grâce à cela. Cet homme qui nous accoste quatre fois par jour en allant et venant à l’hôtel pour nous louer un scooter. Les chauffeurs de bus et marchands de tickets qui crient, perdent patience et parfois donnent de mauvaises informations pour gagner un peu plus sur leur journée.

Santorin est parfois un business, parfois un diamant brut. J’ai aimé ce deuxième côté et j’espère qu’au fil du temps il ne disparaîtra pas. J’espère que l’île pourra rester encore un peu authentique, juste le temps de découvrir à votre tour, la magie de cet endroit et de ces gens, qui ne laissent pas transparaitre à quel point ils ont pu souffrir de la crise économique intense ces dernières années, parce qu’ils ne savent que sourire et apprécier chaque moment, chaque rencontre.

Difficile de clore cette expérience des Cyclades, vous le devinez surement. Mes souvenirs sont toujours intacts et mon cœur imprégné par l’odeur des pitas et du Monoi, de cette gentillesse débordante. Il redemande encore plus de dépaysement et de légèreté. Je ne peux pas me dire que je ne reviendrai jamais là bas, car j’ai été transporté et ravie chaque minute. C’est loin derrière moi maintenant mais je me dis que peut être, chaque nouveau jour est un moyen de me rapprocher un peu plus de ma prochaine visite là bas.

Si vous ne deviez faire qu’un seul voyage, je vous conseillerai celui ci.