Réflexions sur le végétarisme: trois mois après

Dans cet article, je vous ai fait part de mon parcours vers le végétarisme en exprimant que je ne souhaitais pas forcément en parler sur le blog. Cela fait trois mois aujourd’hui que je ne mange plus de viande, et j’ai à ce jour une envie beaucoup plus forte de parler de mon parcours. Pourquoi? En fait, je me suis rendue compte que l’on trouvait encore aujourd’hui difficilement des informations sur le végétarisme, que cette transition  paraissait compliquée pour beaucoup et que ce mode d’alimentation était plein de clichés, que j’ai pu entendre très largement ces derniers mois.

J’aimerai donc vous faire part de certaines de mes réflexions sur le sujet, qui ont eu le temps de se forger peu à peu au fil des semaines.

“Qu’est ce que je vais manger maintenant ?”

Quand on se décide à changer d’alimentation, on doit remettre au goût du jour notre catalogue de recettes. Vous savez, toutes ces recettes faciles et rapides à faire un soir de semaine? Celles qu’on fait sans regarder ses notes? On doit toutes les réinventer. Et au départ ça peut paraître compliqué, c’est pourquoi dans mon cas il s’est passé plusieurs mois entre le moment où je me suis dit : “Je ne mange plus de viande le soir” et “Je ne mange plus de viande du tout.” Heureusement, j’ai pu trouver énormément de ressources, les livres et magazines de recettes sont devenus mes meilleurs amis.

A la base, je n’étais pas très attirée par l’idée de manger du tofu, mais je dois dire que j’en ai trouvé plein qui sont devenus aujourd’hui mes “coups de coeur”. Le tofu fumé remplace les lardons dans toutes sortes de quiches, même mon homme adore. Les protéines de soja texturées se marient à merveille dans les plats au four pour remplacer la viande haché mais aussi dans les burritos par exemple.  J’apprécie aussi le tofu mariné à la japonaise juste poêlé avec quelques légumes, ou encore le tofu soyeux (le nom trop mignon), qui remplace les oeufs dans certaines préparations.

La nourriture des végératiens est ennuyeuse

“Qu’est ce qu’elle semble ennuyeuse votre nourriture !” voici une des réflexions qu’on m’a lancé un midi alors que je venais d’informer les personnes autour de moi que je ne mangeais plus de viande. Car c’est bien connu, la nourriture carnivore a le pouvoir de vous dynamiser. Alors pour celles et ceux qui pourraient se dire la même chose, j’aimerai vous dire que je ne me suis jamais autant éclatée  à cuisiner que depuis que je ne mange plus de viande.

Ce jour là, c’était dhall de lentilles et petits pains indiens maison. La cuisine indienne a pris une place prépondérante dans mes repas de la semaine, et en tant que grande amoureuse des épices, j’en suis ravie.

Je trouve cela plus créatif de cuisiner aujourd’hui quand je dois composer un plat complet avec des légumes et des protéines végétales, bien plus que lorsque je devais assembler une viande avec un accompagnement qui se répétaient souvent de semaine en semaine. J’ai donc changé complétement ma façon de faire les courses ou mes repas, car on ne peut comme avant acheter un peu de viande et voir ensuite comment l’accompagner. Il faut penser à un plat complet qui ne contienne pas que des légumes, on ne peut pas servir qu’une part de courgettes vapeur ou qu’une purée. Je fais ainsi des menu de la semaine et fait mes courses en conséquence ce qui est bien plus économique qu’avant pour moi.

Aussi, j’ai du mal à faire mes courses au supermarché comme avant car je ne trouve pas certains produits essentiels dans mon alimentation désormais, j’ai donc fait la connaissance des magasins bios, si calmes et mignons, qui regorgent de produits pour les végétariens (les tofu, les similicarnés).

Contrôles-tu tes envies? (oui je m’auto-interview).

La viande ne me manque absolument pas aujourd’hui, je dirai même qu’elle me dégoute. Il n’y a que l’odeur d’un poulet rôti qui peut encore titiller mon estomac, j’ai d’ailleurs dû manger du poulet pané pendant ces trois mois lors d’un midi coincé en pleine nature aux Etats Unis… oups, mais quand je pense au poulet gambadant dans l’herbe fichu sur une broche, j’ai juste envie de vomir mes tripes. On ne m’y reprendra plus ! Le pire c’est le boeuf et toutes les viandes hachés, l’odeur me retourne l’estomac et la composition, plein de petit bouts de chair animale, me répugne.

Donc non, plus j’y pense et moins je compte repasser de l’autre côté. Aujourd’hui, il y a seulement la charcuterie qui me fait encore envie quand elle traine sous mon nez, mais je me restreins et me réfugie sur les chips parce que je sais pourquoi j’ai pris cette décision et c’est trop simple de se dire “aujourd’hui on s’en fiche” “cette vie là comptait moins” (comportement totalement hypocrite que j’ai pourtant avec le poisson).

Mes erreurs

Je pense qu’une des erreurs que j’ai commise c’est de tenter de refaire des plats que je mangeais avant en version végétarienne, car on s’attend à ce qu’ils soient aussi bons, à retrouver les mêmes saveurs et forcément ce n’est pas possible: les ingrédients sont différents.

Ainsi, les couscous, paëllas sont pour moi plus fades, même quand je décide d’y mettre toutes les épices qui me traînent sous la main, il me manque quelque chose par rapport  à mon souvenir gustatif. J’ai donc abondonné l’idée de réinventer mes plats d’hier, maintenant je fais seulement du neuf, et je me laisse surprendre. Parfois, ce sont de grandes réussites, parfois non. Mon chéri vous en parlerait volontiers. Mais du coup, on mange toujours des choses différentes et c’est génial parce qu’on ne s’ennuie jamais (et toc!).

Il y a quand même quelques réussites de plats réinventés: ces boulettes à base d’aubergine du blog de la Fée Stéphanie, la raclette à base de charcuterie Veggie dont le goût est tellement identique que j’ai eu peur qu’il y ait eu une erreur d’étiquette, la moussaka à base de protéines de soja qui est encore meilleure que celle à base de chair animale et bien sûr les hamburgers végétariens au steak de pois chiche.

En lisant cette liste, je me rends compte qu’on pourrait croire que je me réfugie un peu dans les produits “qui ressemblent à de la viande” mais en fait non. Tout ce qui ressemble à de la viande me dégoûte donc je ne recherche pas à manger des “fausses saucisses”, de la fausse “viande hachée” même le Seitan a un peu trop la texture de la viande à mon goût. J’évite désormais ces produits. Par contre, il faut parfois agrémenter nos plats de protéines de soja ou autres qui prenennt le rôle de la viande d’un point de vue nutritif. 

Comment je gère les invitations, les restaurants?

Jusque là, je vivais à proximité de la famille de mon homme, une famille de chasseur, de carnivores purs donc ma “nouvelle lubie” passait parfois pour un caprice.  “Lucie ne mange plus de viande – Et bien elle a tort ! ” fin du débat. Parfois, je me cuisinais à part quelque chose et apportait mon assiette au moment du repas. Parfois, on prenait le temps de me cuisiner un petit plat pour moi, ce qui me touchait profondément et reste la solution la plus bienveillante selon moi.

Chez mes parents, cela a été bien accepté, quand je retourne sur Nice je deviens la chef cuisinière ce qui ravie mes parents qui n’ont qu’à mettre les pieds sous la table.

Au restaurant, je trouve toujours des alternatives à la viande que ce soit des pâtes aux légumes, des pizzas et comme je mange parfois du poisson cela est très simple. Depuis mon déménagement en Espagne, je me rends compte que ce mode d ‘alimentation est très ancré dans les moeurs ici, on trouve facilement dans les supermarchés des alternatives veggie qu’on trouve en France seulement en magasin Bio.

Mes coups de gueule

Cela fait trois mois que je ne mange plus de viande, et je viens seulement de me rendre compte de quelque chose qui m’a profondément dégouté. J’ai eu tendance à remplacer la viande par le fromage dans certains plats surtout le soir, feuilletés au fromage, quiche aux légumes et fromage, autant vous dire que j’étais loin du véganisme. J’ai été interpellée par une recette végétarienne où l’on indiquait de prendre un fromage “sans présure animale”. Ca vous parle hein? Moi non plus, alors j’ai mené mon enquête.

Alors oui, évidemment de base le fromage entraine certainement de la cruauté envers les animaux il ne faut pas se leurrer. Mais la présure animale selon Wikipédia: c’est “un coagulant du lait d’origine animale extrait de la cailette (le quatrième estomac) de jeunes ruminants (…) nécessaire à la fabrication des fromages.” (vomissement).

Je suppose en effet qu’on ne maintient pas le petit veau en vie pour lui extraire quelque chose provenant de son estomac. Et donc je me suis vraiment indignée du fait que dans le plus grand secret, les fromages étaient constitués de “parties d’animaux” et que cela ne figure pas sur les étiquettes (tentez de chercher sur vos fromages l’apparition “présure animale” sur les ingrédients, c’est plutô rare.) . En plus pour que les fromages soient reconnus AOP ou Label rouge, qui pour moi sont des sources de confiance, on doit retrouver forcément de la présure animale dans les composants. (what???).

 

On ne m’y reprendra plus, j’ai trouvé une liste de fromages “végétariens” que je vais garder sous le coude. Mais autant vous dire que cela parait asssez compliqué à vérifier sachant que la composition peut changer d’un jour à l’autre, sans prévenir les amis végétariens bien sûr. C’est pourquoi je pense vraiment que ma bonne résolution sera de réduire ma consommation de fromage et de prêter un peu plus attention aux étiquettes. Si vous connaissez une pétition pour que les entreprises indiquent clairement la présence de présure animale sur les étiquettes (comme cela se fait en Grande Bretagne) bien sûr je suis preneuse !  Non mais oh.

Cela m’a fait tout de même réfléchir. De toute façon, le lait qu’on utilise pour faire ce fromage provient d’une vache surexploitée gardée en vie uniquement pour “donner son lait”… Cette réflexion a donc bousculé d’autres choix dans ma consommation.

La suite du parcours :

-Le poisson alors? Arrêteras, arrêteras pas? Je vais vous paraitre sans coeur, mais j’ai très peu d’empathie aujourd’hui pour les poissons ( presque autant que pour les moustiques). Nous ne pouvons nouer de relation avec eux, ils ont moins d’expressions… Je crois que c’est ça qui fait en sorte que la mort de ces animaux me touchent moins. C’est drôle, ou peut être bête, mais je suis réellement indignée par l’exploitation animale, je me verrais mal acheter des produits testés sur les animaux aujourd’hui, je m’indigne de l’industrie laitière ou de la fourrure mais je mange du poisson. Tout cela pour vous dire que chacun son chemin, je ne culpabilise pas (trop) là dessus, je me dis que chacun est différent et tout viendra avec du temps si c’est ce qui doit se faire. J’ai aussi à coeur de me renseigner sur les comportements des poissons (et oui, ils ne sont pas si bêtes) et leurs conditions d’élevage, qui sait, peut-être que cela me fera ouvrir les yeux.

-Les fêtes: j’avais beaucoup d’appréhension quant à ses fêtes. Je n’aime pas vraiment être au centre de l’attention et je n’ai jamais été difficile pour manger, du coup me retrouver  à passer pour “la fille difficile” me gonfle un peu. On se retrouve finalement loin de nos familles pour les fêtes ce qui nous laisse la liberté de faire notre propre menu ouf !

La santé:

Est ce que je me sens mieux, moins bien, est ce que j’ai maigri? Au vrai dire, je ne ressens pas vraiment de différence. Je ne me prive de rien, je reste toujours une grande gourmande et je m’éclate à cuisiner. Je ne suis pas tombée malade, je ne suis pas fatiguée, je ne perds pas mes cheveux, enfin bref, tout va pour le mieux et je n’ai pas spécialement maigri non plus (en fait je ne me pèse pas alors j’en sais rien).

Pour que la suite de mon parcours se passe au mieux, j’ai décidé de lire encore plus de recettes végétariennes et de livres sur le végétarisme en général, l’occasion de me rappeler mon “pourquoi” et de m’informer (pour ne pas attendre trois mois de plus pour prendre conscience qu’il y a de la gélatine dans les yahourts).

Ressources et questionnements.

1 – Parfois, vous vous demandez qu’est ce qui a changé dans ma tête. Je voulais donc vous partager une vidéo que j’ai adoré qui résume bien cette prise de conscience que j’ai eu en Aout dernier en visionnant Okja.

2 – Je sais qu’on se dit parfois que certains animaux “ressentent moins” les choses et que donc c ‘est moins grave pour eux. J’ai dernièrement lu un article dans le magazine Science et Vie qui nous informait de la façon dont pensait les animaux. J’ai été surprise de penser qu’ils ont pour certains des parties de leur cerveau plus développées que nous notamment au niveau du “cerveau émotionnel”. Ils s’intéressaient aux langoustes plongées vivantes dans l’eau bouillante et ont tentés d’expliquer si leurs mouvements étaient synonymes de douleur. En réalité, elles n’ont pas la capacité d’analyser la douleur, mais tout leur corps capte des signaux en étant ébouillantés. Elles ont aussi la capacité de ressentir une émotion proche du stress humain. Ainsi: leur corps devenu hypersensible à ce qu’il se passe + beaucoup de stress, ce n’est peut être pas de la douleur mais c’est considéré par les scientifiques comme “le même état de panique que vous pourriez ressentir en étant immoler par le feu”. Cet article m’a fait prendre conscience que contrairement à ce que je pensais, tous les animaux pouvaient ressentir des émotions voire de la douleur.

3- Parfois, vous pensez que la viande “Bio” est mieux car mieux élevée. Le bien être des animaux n’en serait pas moins préservé puisqu’à leur mort, le fait d’avoir eu “une belle vie” entraînerait une décharge bien plus importante d’hormones de stress. Ils souffriraient donc encore davantage que des animaux élevés en batterie, sans voir la lumière, battus, qui seraient eux plus résignés à mourir.  De plus, l’association L214 a enquêté en 2015 sur l’abbatoir de Vidan certifié Bio et a surpris des choses abominables et inhumaines. Leur enquête a révélé que «des animaux [étaient] victimes d’actes de cruauté délibérés: des décharges électriques leur sont infligées pour «s’amuser», et que, «dans l’indifférence générale, des animaux [reprennaient] conscience sur la chaîne d’abattage avant d’être [dépecés]».

Encore une fois, je ne partage pas cela pour vous culpabiliser, simplement pour vous informer.

 

4-J’ai eu un débat très intéressant aujourd’hui, suite à ma lecture d’Antispéciste d’Aymeric Caron qui soulève pas mal de questions chez mon compagnon. Il s’interroge sur le fait que je m’indigne de cette souffrance animale et que d’autres problématiques me touchent moins. Par exemple, d’où prouviennent mes vêtements?Est ce que les légumes que j’achète n’ont pas conduit à tuer quelqu’un (affaire des avocats au Mexique)? Est ce que l’écologie n’est pas un domaine tout aussi important pour lequel se battre et s’indigner? C’est vrai, Tout ça est vrai. A ça, je voudrais répondre deux choses (si jamais vous vous faites la même reflexion): la prise de conscience de ce qui se trouve dans mon assiette m’a fait remettre en question toute ma consommation. Alors oui je reste aveugle de certains sujets, mon mode de vie ne contribue pas chaque jour à respecter l’environnement ou les autres êtres humains. Mais voilà où j’en suis, je m’éveille peu à peu. Tout changer d’un coup est le meilleur moyen de tout abandonner selon moi, car c’est “un effort”. Quand cela devient une valeur suffisament ancrée en nous, ce n’en est plus un. Aujourd’hui, ne pas manger de viande n’est pas un sacrifice pour moi, c’est la façon dont je me sens le mieux alignée avec moi-même. Et je continue de m’interroger sans arrêt, sur de nombreux autres sujets, afin de changer d’autres de mes habitudes.

Deuxièmement, nous entendons souvent cette réflexion en tant que “non mangeur de viande”, “et pour le reste que fais tu?”. Comme s’il n’était pas normal de soutenir une cause plus qu’une autre, comme s’il y avait de nombreuses choses pour lesquelles s’indigner qui sont bien plus importantes. Ok, mais toi, que fais tu? Pourquoi n’entres tu pas plus en colère contre ceux qui ne font rien du tout, ni l’un ni l’autre? Pourquoi la remarque vient à moi, qui fait déjà un pas plutôt qu’à tous les autres qui ne font rien?

Je trouve cela intéressant d’en parler, on s’enrichit dans ce genre de débats, j’espère donc que vous prendrez plaisir à lire cet article même s’il vous touche par moments. Je l’ai écrit il y a un mois, corrigé, recorrigé et je suis en train de le corriger encore alors qu’il est en ligne. Car je ne souhaite vraiment pas vous culpabiliser de penser différement de moi. Rappelons le, je ne suis personne pour vous dire quoi faire. Il y a juste quelque chose en moi qui me pousse à vous en parler, à partager mes connaissances là dessus, mes erreurs aussi et vous expliquer mon parcours pour que peut-être, un jour, si vous êtes aujourd’hui entre deux chaises, vous compreniez que c’est un mode de vie possible et pas si contraignant.