Londres, mon premier amour.

 Je ne suis pas sure de parvenir à vous décrire ce sentiment qui m’unie à la ville de Londres et plus généralement à l’Angleterre. Ça a commencé à l’âge de onze ans, mon premier voyage scolaire, loin de mes parents. Celui où l’on se laisse guider en essuyant quelques larmes, à cause de la perte de repères qu’il entraîne, de la peur d’être loin des siens.

Pourtant, à travers cette peur d’enfant qui a rythmé mon séjour, j’ai gardé un sentiment positif, comme un premier rendez vous : une découverte teintée d’émerveillement. L’envie d’en savoir plus.

 Des années plus tard, j’ai conservé le souvenir intact de l’odeur de certaines rues, des sandwichs au pain rond et mou faits par ma famille d’accueil, de la moquette dans les escaliers… Je me souviens que je m’attendais à ce qu’il pleuve sans arrêt et qu’il n’avait pas plu du tout. Quelques images éparses qui me sont restées en mémoire.

Ce pays, ça aurait pu être le mien. Je m’y sens comme connectée. L’anglais est une langue que j’aurai choisie volontiers comme langue maternelle, non pas que je la parle couramment et sans erreur, mais j’aime l’apprendre, j’aime l’entendre par hasard dans la rue. En France, je saute vers quelqu’un pour l’aider à trouver sa route si ça peut me permettre de parler anglais quelques instants. Quelques mots pour se rendre compte que oui, ça sonne toujours aussi beau.

Il y a un sentiment rassurant dans ce pays, une attirance profonde et presque inexplicable, comme magique.

 Londres, je l’ai découverte ensuite, au lycée. Mais à cet époque, je n’ai pas levé le voile sur tous les environs: le métro, les quartiers de la zone 2, certains parcs. Je ne connaissais rien vraiment de son âme en dehors de ses emblèmes: la Tamise, Big Ben, The Eye. J’en suis revenue toujours aussi amoureuse mais à peine plus consciente de sa réalité.

 Et puis j’y suis retournée encore, plus tard, une fois majeure. Cette fois, j’ai plus “vécu” que visité. Je me suis imprégnée de l’ambiance des pubs, j’ai fréquenté la plupart des quartiers, même ceux peu fréquentables s’il y en a. J’ai voulu voir chaque ruelle, chaque zone, pour tenter de m’acclimater un peu plus à cette frénésie ambiante, à cette folie qui m’amuse et à ces valeurs que je partage.

 Lorsque j’entends parler de l’Angleterre, quelque chose s’illumine en moi, c’est comme ça depuis toujours. C’est pourquoi en 2015 quand j’ai pris la décision de partir vivre à l’étranger, Londres s’est imposé comme une évidence.

Je me souviens des gens qui me disaient: “Mais pourquoi Londres ? C’est cher, il pleut, ce n’est pas dépaysant !” Mais pour moi, Londres c’était la quintessence. J’y suis allée quatre fois et je la découvre à chaque fois. En y vivant, je n’ai même pas eu l’occasion de faire le tour de la ville tellement elle regorge de surprises.

 A chaque fois, il y a des endroits que j’aime revoir comme Greenwhich et son immense parc, Camden Town et la ballade à Little Venice, Picadilly ou encore Shoreditch. Mais il y a tellement d’endroits nouveaux qui valent le coup d’œil comme Canary Wharf et ses immeubles gigantesques, Fulham, quartier chic rempli de maisons qui font rêver, ou encore Hampstead qui offre une balade en pleine nature, un poumon loin du centre.

 A chaque voyage, je m’émerveille à nouveau de ce que je connais et vient s’y ajouter de nouveaux quartiers qui n’étaient jusqu’alors que des noms sur la carte colorée du métro, autant de coups de coeur.

Ce que j’aime le plus à Londres c’est cette possibilité d’être qui l’on veut. Tu peux avoir les cheveux roses ou porter le voile et travailler dans une banque ou dans un bar, peu importe. Tu es libre de t’habiller comme tu veux, sans que les gens ne se retournent sur toi ou se chuchotent des mots blessants que tu pourrais intercepter. Les hommes en costards côtoient dans le métro les jeunes filles aux piercings voyants, au style très personnalisé et aux cheveux multicolores. Sans un regard. Sans un sourire narquois.

 Londres c’est aussi une ville où se bousculent de nombreuses cultures. C’est les quatre coins du monde réunis dans 1572 km carré. Whitechapel est un quartier avec une grande communauté d’indiens, China Town, une communauté asiatique… Mais il y a aussi le quartier punk, le quartier riche, le quartier des affaires…  Chacun a l’air de vivre côte à côte sans se juger.

J’adore le métro qui crit « Mind the gap please », toutes les combinaisons de déplacements qu’il offre malgré son prix. C’est une ville tellement bien connectée, ce qui offre une puissante liberté. Je peux me retrouver au cœur de rues remplies de grands magasins puis quelques minutes plus tard, me ressourcer dans un quartier plus calme loin des touristes et de l’animation.

J’adore l’impression d’être dans une ville tellement différente en passant d’une rue à l’autre. J’aime qu’elle soit si dynamique, si vivante et qu’elle regorge de restaurants bars et cafés : une vie ne suffirait pas pour tous les découvrir.

Elle a aussi des points négatifs comme le fait d’être extrêmement chère de sorte que je savais en partant y vivre que je n’aurai pas les moyens de me payer autre chose qu’une colocation. Vous me direz alors, pourquoi partir de chez soi, là où l’on a une vie confortable pour une ville où notre vie le sera moins ? Parce que tout le reste en vaut le coup ! Chaque personne que l’on rencontre, chaque lieu.

Ici, les gens qui y vivent se fiche du coût monstrueux de la vie. Ils passent leur semaine à travailler quarante heures ou plus et se retrouvent à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pour siroter une bière (vous trouverez toujours un bar sympa à cinq minutes de chez vous) et discuter.

J’aime cette impression de vivre pleinement et d’exploiter son temps au maximum.

Pour une ville qui bouge autant, j’ai apprécié le fait de ne jamais croiser quelqu’un qui soupire, qui fait la tête, qui bougonne. Il n’y a qu’à voir le sourire des gens qui vous laissent passer gentiment pour monter dans le métro. Et vous n’avez personne qui vous pousse même s’il est bondé. Le respect de l’autre et la courtoisie sont des principes nés là bas je crois.

Et puis, à Londres on te donne ta chance. Tu n’as pas eu ton bac ? Tu n’as aucune expérience dans le domaine? Pas de problème, tu peux faire un essai demain. J’ai rencontré beaucoup d’employeurs qui ne semblaient pas réellement prêter attention à mon CV mais plus à ma personnalité, à ma motivation et tout bêtement à ce que je dégageais.

Ainsi, j’ai connu des français sans réellement de formation qui ont grimpé les échelons très rapidement dans leur travail, arrivant commis serveur et passant manager au bout d’un an ou deux. Vous commencez par un travail pas terrible mais si vous donnez du votre, on vous offre la possibilité de prouver que vous valez mieux. Et le salaire qui va avec. Je n’ai pas l’impression qu’en France ce soit aussi simple. C’est un système difficile, on peut se débarrasser de toi aussi vite qu’on t’as embauché mais pour celui qui ne lâche pas, Londres a des choses à offrir.

 Londres c’est une ville ou vous allez vous asseoir à un bar et où les personnes aux tables voisines qui ne se connaissaient pas il y a quelques minutes se tapent un fou rire. Quand vous les regardez, elles bougent à nouveau leurs tables pour les coller à la votre et vous passez la nuit à vous faire offrir des verres, en écoutant les anecdotes d’écossais qui vous parlent de leur femme, leur boulot, leur pays. On a essayé en France mais on n’a jamais passé une soirée aussi folle.

 Vous pouvez être une femme et errer dans les rues les plus sombres à deux heures du matin, personne ne viendra vous parler. D’ailleurs même en plein jour, personne ne vous lancera la moindre remarque.

Le vendredi soir,  parcourir certaines rues du centre ville se révélera être un vrai défi : chaque employé se retrouve avec ses collègues pour boire une bière au bar du coin. Les rues devant les pubs sont noires de monde et les rires éclatent à mesure que les verres descendent.

A chaque fois l’amour est au rendez vous, à chaque fois mes idées se reconfirment.

Ce que j’aime enfin avec Londres c’est que c’est à une heure trente d’avion de ma ville d’origine, qu’en cas de pépin on peut rentrer pour moins de 100 euros, n’importe quel jour, n’importe quelle heure. Ce n’est jamais un grand risque d’y partir, même pour s’y expatrier.

Je pense que l’on est jamais déçu par cette ville alors n’hésitez pas si vous avez la chance de la découvrir pour la première fois. Laissez vous guider au fil des rues, au fil de arrêts de métro, vous trouverez tellement d’endroits à découvrir, de choses à faire et surtout: échangez, partagez… On dit souvent que les anglais sont froids, mais je n’ai jamais rencontré de personnes aussi chaleureuses et bienveillantes que là bas.